Et chez vous, l'expérience candidat, c'est comment ?
- Dorothée de Linares
- 20 nov. 2019
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 27 mars 2023
Les nouvelles solutions de recrutement mettent en avant « l’amélioration de l’expérience candidat ». L’intérêt est évident. Les entreprises doivent se faire choisir par les candidats. Et un candidat qui a eu une bonne expérience, même si vous ne le recrutez pas, pourra laisser des avis positifs, coopter ses proches, recommander votre marque, devenir client ...
L’ « expérience candidat », de quoi s’agit-il précisément ? S'agit-il avant tout de communication, de processus, d’outils, de technologie, de non-discrimination, d’organisation, de marketing, de psychologie, de professionnalisme, de posture ?
Spoiler : de tout cela à la fois !

Revenons au parcours du candidat. Il passe généralement par nombreuses étapes, qui, si l’on n’y prend garde, peuvent dépasser le nombre de travaux d’Hercule.
Prenons l’exemple d’un candidat, appelons-le Candide, recruté dans la grande entreprise E.
Candide suit les étapes suivantes :
Cherche dans Google des annonces qui pourraient lui correspondre, en voit une, ce qui l’amène sur une offre sur LinkedIn, qui le renvoie vers un jobboard, qui le conduit sur l’annonce sur le site de l’entreprise E.
Se renseigne sur l’entreprise E. via les sites spécialisés en notation d’entreprise, les sites de l’entreprise, sa cousine qui connait le secteur, et son copain d’école qui connait quelqu'un qui travaille chez E.
Adapte son CV à l’entreprise et au poste
Rédige ses motivations
Candidate en ligne dans l’espace carrière.
Attend d’avoir un retour – et donc continue à chercher d'autres offres ailleurs (par souci de simplification nous ne mentionnons cette étape qu’une seule fois dans le parcours)
Passe une première épreuve de sélection (au téléphone pour E., mais il a déjà expérimenté un questionnaire video pour une autre entreprise)
Se prépare à des entretiens
Passe un test de personnalité en ligne
Passe 4 entretiens : avec le recruteur, le manager N+1, le manager N+2, le RH opérationnel.
Négocie les conditions de son embauche.
Signe un contrat de travail, et accomplit quelques formalités (visite médicale, changement de téléphone …)
Enfin, Candide fait ses premiers pas en tant que collaborateur de E.
Il n’a pas encore son badge, ni son PC, mais ça ne va pas tarder. Comme son manager n’est pas là le jour de son arrivée, cela lui permet de faire connaissance plus vite avec ses nouveaux collègues.
Bien sûr, il peut y avoir plein d’options supplémentaires (par exemple il passe par un cabinet de recrutement) et des variantes, tests cognitifs, mises en situation… Cela peut devenir un véritable parcours du combattant.
Son collègue Martin a été recruté en mobilité interne dans la même équipe. On pourrait penser que c’était plus simple pour lui, mais non. Martin a rencontré en plus le N+3 qui ne voulait pas prendre de risques… En effet, Martin vient de la filiale F, et ils ont une mauvaise réputation en interne, ceux de chez F. !
Candide est-il satisfait de son expérience ? Prenons les avis des représentants de l’entreprise E.
Le communiquant : « On a refait notre site, il est très beau ! On a mis des photos de vrais collaborateurs qui font des vrais sourires. C’est très authentique. On a valorisé notre marque employeur, nos valeurs fortes, notre ADN. On a expliqué par exemple que E respectait l’équilibre vie pro / vie perso de ses collaborateurs, c’est important pour nos candidates et nos candidats. »
Le responsable SIRH : « On a bien progressé. On a un nouvel ATS. Maintenant, pour se connecter, le candidat peut directement utiliser son profil LinkedIn et ça va plus vite. »
Le recruteur : « C’est super pour le candidat de pouvoir passer son test en ligne à l’heure de son choix. On passe à l’ère du recrutement prédictif. On gagne du temps. On montre qu’on est innovant, c’est important pour que les candidats aient envie de venir travailler chez E. Parce que c’est la guerre des talents maintenant, il faut se démarquer. »
Le DSI : « On utilise de l’Intelligence Artificielle ! L’algorithme matche les candidats grâce au big data et au machine learning. Et notre chatbot répond à toutes les questions. »
Le chatbot : « Aïe, je ne comprends pas... Je suis encore en plein apprentissage ! Mais je vais me renseigner pour comprendre le sens de cette phrase pour la prochaine fois »
Le N+1 : « C’était facile pour ce candidat, il avait bien préparé son entretien, il a été très bon sur les questions sur les qualités et les défauts et sur où il se voit dans 5 ans. Ça ne m’étonne pas, il a fait la même école que moi. »
Le N+2 : « Je l’ai bien senti ce candidat, il n’est pas tombé dans mes questions pièges, il a bien tenu la pression, pourtant je n’ai vraiment pas été tendre, je l’ai poussé dans ses retranchements. »
Le RH : « C’était rapide pour la négociation salariale, il a compris qu’il rentrait dans les grilles Diplôme x Ancienneté et ça lui allait ».
Le Directeur des Ressources Humaines, qui est pragmatique, décide de recueillir directement l’avis de Candide.
« Dites-moi, comment ça s’est passé, votre recrutement chez nous ? »
« Et bien ça a duré presque 5 mois entre le moment où j’ai postulé et le dernier entretien. C’était un peu long, mais je suis tellement content d’avoir trouvé ce poste. Il faut cultiver son jardin. Oui tout s’est bien passé. Au fait, est-ce que vous pourriez appuyer ma demande de PC avec un email à mon nom, car je ne l’ai toujours pas, ça fait déjà une semaine. Ça va que Madame Cunégonde est en vacances et que j’utilise le sien, mais bon… Merci beaucoup ! »
Le DRH est plutôt satisfait de ce qu’il entend. Mais quand même, il faut améliorer le processus d’intégration des nouveaux embauchés ! (Ça tombe bien, il se souvient que son équipe rencontre le lendemain le commercial d’une start-up qui vend une application de onboarding. Il ne sait pas précisément ce qu’ils proposent, mais il a entendu dire que l’entreprise E3 l'utilise déjà. Ils ont toujours une longueur d’avance, chez E3 ! En plus, c’est le neveu de son ami Alain qui a lancé cette boîte, il faut encourager l’entrepreneuriat chez les petits jeunes.)
Pour autant, tout va-t-il pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ?
Si le DRH avait interrogé d’autres personnes parmi les milliers s’étant portées candidates pour E., il aurait appris que :
Charles n’a pas vu une annonce qui pourtant correspondait pile poil à son profil. L’annonce n’était malheureusement pas dans le bon domaine d’activité sur le site carrière. Dommage Charles ne savait pas qu’on pouvait faire ce métier chez E. et il ne le sait toujours pas.
Christine a renoncé à postuler suite aux avis négatifs trouvés en ligne sur E.
L’identifiant / mot de passe de Cheng n’a jamais marché dans l’outil de candidature et il a fini par abandonner. Il a bien essayé le chatbot mais ça tournait en boucle.
Carlo a aussi passé plein d’entretiens en même temps que Candide et était en short-list. Ça fait un mois qu’il n’attend plus de réponse de E. – un mois depuis qu’il est rentré chez le concurrent, E2.
Corentin, lui, a décidé de ne pas aller plus loin que le premier entretien, parce que N+1 ne lui a pas donné envie de revenir : une demi-heure de retard, des questions bateaux, et une présentation très floue de son futur poste.
Caroline a pris une décision lors de son entretien avec N+2. Lorsque ce dernier a dit « Vous avez l’air bien pour le poste, mais justement je crois que vous êtes trop bien, je veux dire, trop bien physiquement. Surtout si vous vous habillez comme cela. Mes gars, ils sont là pour bosser, ils ne peuvent pas être distraits en permanence par une jolie femme. Et vous avez des enfants ? ». Caroline qui était une cliente de longue date a simplement décidé de résilier son contrat avec l’entreprise E, et de ne plus jamais avoir affaire à eux.
Côme avait été recruté juste avant Candide, sur le même poste. Mais au bout de 15 jours il était parti. Pourquoi ? Et bien on a oublié de lui poser la question.
Quant à Chloé, Colin, César, Cheikh, Clément, et 1527 autres candidats, ils n’ont jamais eu de nouvelles suite à leur candidature pour un poste chez E.
Cette petite fiction, un brin caricaturale je vous l’accorde, vise à pointer l’intérêt de travailler son « expérience candidat » de façon globale, en commençant par poser un diagnostic complet sur le parcours candidat de votre entreprise.
Ce diagnostic pourra s’appuyer sur 3 axes :
1. La cohérence :
Votre communication employeur est-elle authentique, fidèle à vos promesses, cohérente avec l'expérience collaborateur ? Votre processus est-il en adéquation avec l’univers de votre marque, ses valeurs ? La réalité vécue par les candidats est-elle conforme à ce que vous annoncez ? Le « style » de votre entreprise est-il reconnaissable dans l’utilisation des outils, les messages envoyés, la posture des recruteurs et des manageurs ? L’accueil dans vos locaux est-il conforme à l’accueil sur vos sites virtuels ? …
2. La fluidité :
Est-ce que vos outils fonctionnent bien ? Qu’est ce qui fait que le candidat n’est pas tenté de quitter le process ? Est-ce qu’on ne lui pose pas plusieurs fois les mêmes questions ? Est-ce que ça ne lui prend pas trop de temps ? Combien de temps doit-il attendre ? Est-ce que chaque étape est une suite logique de la suivante ? …
3. L’utilité :
Est-ce que le candidat obtient les réponses à ses questions ? Est-ce qu’il a compris les raisons de votre choix de l’écarter le cas échéant, ou bien les raisons qui font que vous le choisissez ? Quelle valeur ajoutée trouve-t-il dans le parcours qu’il suit pour vous rejoindre – ou pour ne pas vous rejoindre ? Il pourrait apprendre des choses sur lui, sur votre entreprise, sur le marché, grâce à votre feedback et vos conseils. Il pourrait aussi tout simplement passer un bon moment, s’amuser… ce qui serait toujours positif pour votre marque.
Et de votre côté toutes les étapes sont-elles bien utiles / nécessaires ? Recruter c'est faire un choix, c'est donc prendre un risque de se tromper. Le risque de perdre en route les meilleurs candidats peut-être encore plus grand.
Et les outils dans tout ça ?
Améliorer l’expérience candidat, c’est donc bien plus que de rajouter une couche digitale dans le parcours. N'oublions pas que la digitalisation digitalise avant tout les problèmes (Stefan Catheline).
Une fois que vous aurez posé le diagnostic de vos forces et des améliorations possibles de votre parcours candidat actuel, dans toutes ses dimensions, et au regard de vos enjeux spécifiques, alors vous serez plus à l’aise dans le choix de nouvelles solutions et leur implémentation.
La bonne nouvelle, c’est que le marché voit émerger de nombreuses applications intéressantes en support de tout ou partie de ce parcours candidat. Autant d'innovations à expérimenter !
En conclusion, je voudrais insister sur le fait que le recrutement est une rencontre. Il me semble que, comme pour les sites de rencontre justement, la première mise en relation, et plus encore la première rencontre physique, souvent attendue impatiemment par le candidat, seront déterminantes pour la suite des opérations.
C'est mon expérience personnelle qui parle, mais c'est aussi la raison qui incite nombre d'entreprises à développer des programmes d'ambassadorat en marque employeur. L'analyse des avis sur des sites comme Glassdoor montre également que les retours positifs que font les candidats porte souvent sur cela : « le recruteur était sympa ; avait l’air sincère ; très transparent » - et inversement. Recruteurs, RH, managers, vous qui recevez des candidats, pensez-y !
Vous mêmes, vous souvenez-vous de de la première personne que vous avez rencontrée dans votre entreprise actuelle ?
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