Les personnes aidantes ont besoin d'être aidées.
- Dorothée de Linares
- 13 avr. 2023
- 3 min de lecture
Ma mère aurait eu 75 ans aujourd'hui. La Maladie à Corps de Lewy (MCL) l'a emportée début 2016, après une période très difficile pour elle et pour son entourage. Au premier rang de cet entourage, mon père a dû quitter ses activités professionnelles, pour l'accompagner, chaque jour, pas à pas, dans le trop long chemin vers le diagnostic, dans ses troubles cognitifs, ses problèmes physiques et moteurs, ses fluctuations inopinées, ses hallucinations, ses périodes de dépression, sa grande lucidité, sa perte d'autonomie, la mise en place d'assistances diverses et variées, jusqu'à la fin de sa vie.
Le concept d'"aidant" a fait une entrée fracassante dans notre famille. La MCL est une maladie terrible, et encore plus quand personne ne vous explique ses symptômes si déstabilisants, ni ne sait vous conseiller les bons comportements pour les accompagner. A l'époque, pas si lointaine, nous avons avancé dans le brouillard et l'incompréhension. Et pourtant, avec près de 200 000 personnes touchées, la MCL est la deuxième maladie neurocognitive après la maladie d'Alzheimer.
Suite à cette expérience de vie, mon père, ancien pilote de chasse, s'est lancé dans une nouvelle mission, un nouveau combat : faire connaitre cette maladie, pour qu'elle soit mieux diagnostiquée et mieux soignée, et aider les malades et leurs aidants à vivre avec. Cela l'a conduit à créer, avec d'autres aidants, et le soutien de médecins spécialistes, l'association A2MCL, Association des Aidants et Malades à Corps de Lewy, qui accompagne les personnes concernées par la maladie, informe, communique, sensibilise, et encourage la recherche médicale.

Aujourd'hui, il cède la présidence d'une association bien structurée, très active et reconnue, qui va continuer à se développer. Bravo pour ce formidable travail et félicitations à la nouvelle présidente et à toute l'équipe !
De mon côté, pendant la période de la maladie de ma mère, je travaillais chez ENGIE et j'étais reconnaissante qu'une certaine liberté d'organisation personnelle me soit accordée par ma hiérarchie. Je me souviens par exemple avoir pu quitter brutalement le bureau pour me rendre à l'hôpital. Mais je me suis souvent demandée comment j'aurais pu faire, dans cette situation, avec un travail prenant et un enfant en bas âge (heureusement un conjoint qui faisait largement sa part), et des frères vivant loin et également bien occupés, si mon père n'avait pas été aussi vaillant en première ligne.
Oui, comment, font-elles, les salariées aidantes ?
J'aurais pu écrire : "comment font-ils ?" Mais les chiffres sont clairs : 57% des 11 millions d'aidants en France sont des femmes, et le taux monte à 74% de femmes lorsque les soins des personnes aidées deviennent plus contraignants. Cela soulève une question importante d'égalité, ou plutôt d'inégalité d'ailleurs entre les femmes et les hommes.
Les situations d'aidance sont diverses :
en fonction de la personne aidée (parent, enfant, conjoint, autre personne…ou plusieurs personnes ! ), qui peut être malade, handicapée, en perte d'autonomie,
en fonction de la distance,
et des activités exercées auprès de cette personne : aide et soins dans la vie quotidienne, surveillance, coordination du suivi médical, contacts avec les services administratifs etc…
Dans ces situations diverses, plus de la moitié des personnes aidantes sont salariées : environ 6 millions !
Parmi les entreprises que j'accompagne aujourd'hui avec IKATU CONSEIL, et parmi les structures que j'audite avec AFNOR Certification pour le label Egalité Professionnelle, de plus en plus prennent conscience de l'enjeu de soutenir leurs salariées, et mettent en place des dispositifs d'aide aux aidant.e.s. C'est crucial dans une société qui prône l'égalité et l'inclusion. Cela devient une exigence dans le nouveau cahier des charges du label Egalité.
En premier lieu, il est nécessaire de faire prendre conscience aux personnes concernées qu'elles sont aidantes. Ensuite, l'employeur les informe des dispositifs de soutien prévus par la loi, comme la facilitation du télétravail, et de ceux proposés par des organismes tiers : mutuelle, organismes publics, associations, nombreuses à se mobiliser.
Et encore mieux, l'employeur met en place des dispositifs spécifiques, comme la sensibilisation des managers pour encourager la souplesse dans le rythme de travail, ou le don de jours de congés entre salariés.
De plus en plus de ressources sont à la disposition des entreprises. Par exemple, le Label "Cap'Handéo Entreprise engagée auprès de ses salariés aidants", initié par Handéo et Klésia, avec l'engagement de l'Agirc-Arrco, propose une méthodologie et vient reconnaitre les plus engagés sur cette thématique.
Enfin, parmi les guides qui existent, je voudrais mettre en lumière le tout nouveau guide pratique à destination des entreprises, produit par le Laboratoire de l'Egalité et Audencia avec le soutien du Collectif Je t'aide, de la Fondation des Femmes et de Malakoff Humanis.
Informations, fiches outils, cas pratiques... Il est très bien fait. On y apprend notamment que "D’ici 2030, le taux de salarié·es aidant·es devrait atteindre un quart de la population active. Ce sujet devient donc un enjeu sociétal majeur, qui concerne toutes les entreprises."
Et dans votre entreprise, comment ça se passe ?
Très beau témoignage. Merci de nous faire réfléchir à ces sujets essentiels.